C’est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre. Les servitudes de passage sur le domaine skiable de Megève. En 2014, la mairie a entrepris de remettre à plat les conventions avec les propriétaires. Aujourd’hui, 10 % d’entre eux, soit une cinquantaine de personnes, refusent de signer le nouvel accord. La municipalité a donc décidé de leur imposer des servitudes, autrement plus contraignantes. Les élections approchent… le dossier doit être clos. Compte-rendu d’une réunion publique houleuse, le 22 juillet 2019.
Tout pour le ski
« Le ski est le principal atout économique du village, et on ne peut pas remettre chaque année en cause la skiabilité du domaine ». Catherine Jullien Brèches, maire de Megève, n’y va pas par quatre-chemins. Des servitudes seront imposées aux propriétaires qui ont refusé de signer la nouvelle convention.
Une forme d’expropriation, ne manquent pas de relever certains membres de l’assistance. Ils regrettent un passage en force.
« Ces conventions ne mentionnent ni date de début, ni date de fin. Nous serions plus enclins à les signer si une renégociation était possible dans le futur », avance un propriétaire. L’opposition municipale avait fait une demande en ce sens en début d’année, mais aucune réponse n’a été donnée.
Tu es paysan tu donnes, tu es promoteur, on te donne !
Un propriétaire mécontent
« Impossible ! », rétorque le premier adjoint Christophe Bougault-Grosset. « Établir ces conventions est très long, cela fait 5 ans que nous y travaillions, cela voudrait dire qu’il faudrait continuellement négocier ».
Le monde agricole en a assez d’être sollicité. « T’es paysan, tu donnes, t’es promoteur, on te donne » s’insurge un agriculteur. « Nous devons être arrangeants avec le domaine skiable, alors que certains chantiers empiètent des passages au centre-ville », l’iniquité de traitement déchaîne les passions.
Quid des indemnités ?
Si toutes les conventions ont été remises à plat (regards, emplacement des pylones etc.) il n’en est pas de même pour les indemnités. Le barème s’inspire des anciens accords.
D’ailleurs, pourquoi les autorités ont pris la peine de revoir tous les documents en omettant de modifier significativement le système des contreparties ? Mystère…
Sans l’entretien des paysages réalisés par les paysans et leurs bêtes, les terrains se couvriraient de broussailles et de forêts, rendant les pistes de ski impraticables… ou alors le débroussaillage mécanique deviendrait obligatoire, faisant exploser les coûts.
La maigreur des indemnités ne reflète en rien le travail réalisé »
Un propriétaire mécontent
Entretenir des hectares en montagne, dans des zones escarpées et difficiles d’accès, est autrement plus difficile que de couper un arbre . « La maigreur des indemnités ne reflète en rien le travail réalisé », arguent certains agriculteurs.
D’autres mettent en balance le montant total des indemnités, avec le chiffre d’affaires réalisé par la Compagnie du Mont-Blanc S.A : plusieurs millions d’euros sur l’exercice 2017 – 2018. Un ratio loyer / rentabilité imbattable (si l’on ne compte pas les frais d’exploitation) !
– 1200 m | 1200 – 1500 m | + 1500 m |
2068 € / Hectare | 550€ / Hectare | 500€ / Hectare |
Les indemnités sont plus importantes près du bourg car « les terrains constructibles traversés par ces servitudes perdent de la valeur. Il a parfois fallu couper des haies pour laisser passer les pistes de ski de fond », explique Christophe Bougault-Grosset. Ridicule et inacceptable pour certains propriétaires ! La différence va du simple au quadruple.
En 2017 / 2018, 153 000 € ont été versés au propriétaires de terrains sur le domaine skiable, et 23 000 € au propriétaires de parcelles traversées par des pistes de ski nordique. Les propriétaires reçoivent aussi des forfaits saison : 350, au total, sont distribués. (Source = compte rendu du Conseil Municipal du 23 juillet, page 22)
Nettoyage et entretien des terrains
D’après les conventions, le bénéficiaire du terrain, autrement la Compagnie du Mont-Blanc S.A, doit entretenir et nettoyer les espaces. Cependant, il suffit de se promener au Mont d’Arbois ou à la Cote 2000 au printemps : les bords de chemins et les aires d’arrivée des remontées mécaniques sont jonchés de débris. Impossible de savoir, avec les herbes hautes, ce qui demeure dans les prairies, prairies qui sont d’ailleurs pâturées par des animaux ou fauchées lors des fenaisons.
L’opération Ménage ta Montagne mobilise au printemps les enfants de l’école publique et quelques dizaines de bénévoles sur une matinée. Le bas du Jaillet a été nettoyé au printemps 2018, et le bas de la Cote 2000 cette année. Mais le nettoyage ne devrait-il pas être totalement pris en charge par la CDM ?
A noter que la commune continue à gérer le domaine nordique. Le service des pistes ramasse donc les déchets. Le résultat semble satisfaire les propriétaires et les élus, même si un passage une fois la neige totalement fondue serait plus efficace.
Plus de négociation
La séance se clôt. Il n’y aura plus de concertation. Lors du Conseil municipal du mois de juin, les élus concernés par les servitudes n’avaient pas pu s’exprimer (en terme de démocratie locale on a vu mieux). Il ne reste qu’à attendre, pour les concernés, la lettre recommandée qui les engagera à céder l’usage de leur terrain pour le ski. Une précipitation due, en partie, aux prochaines échéances électorales. Les élections municipales approchent ! Et il faut aussi tenir les délais pour l’aménagement du secteur Cote 2000. La signature des conventions ou l’imposition des servitudes sont indispensables aux lancement des travaux. Premier coup de pioche au printemps 2020.
En Chiffres
- 14 réunions avec l’Association des Propriétaires Fonciers.
- 19 projets de convention pour le domaine skiable.
- 15 projets de convention pour le domaine nordique.
- Fin juillet 2019, 10 % des propriétaires n’avaient pas signé la convention (mais la mairie reste discrète sur le pourcentage du domaine skiable que les terres de ces derniers représentent. D’après notre évaluation, une grande partie des propriétaires du secteur Cote 2000 n’ont pas signé).
Les Dates
- Juillet 2014 : Début des négociations.
- Février 2019 : Adoption des projets de convention ski alpin et ski nordique.
- Juin 2019 : Le principe des servitudes pour les propriétaires récalcitrants validé en conseil municipal. Les élus concernés sont priés de se taire.
- Octobre – Novembre 2019 : ouverture d’une enquête publique sur les servitudes de passage.
- Décembre 2019 : Arrêté préfectorale sur les servitudes.
- Printemps 2021 : début des travaux d’aménagement des secteurs Rochebrune / Cote 2000.