Raconter le terroir… Créer de l’émotion dans l’assiette… Les chefs emblématiques de la gastronomie de montagne sont des tisseurs d’histoires.
Cela commence souvent par une histoire d’amour. Anthony Bisquerra, chef de la Table de l’Alpaga**, est originaire du Sud Ouest. Emmanuel Renaut, du Flocons de Sel***, est né dans le Val d’Oise, et Laurent Petit, du Clos des Sens*** à Annecy, vient de la Haute-Marne. Le charme des cimes les a envoûté, et tous ont choisi de s’installer en Pays de Savoie. La richesse du terroir a confirmé leur intuition. Quatre saisons bien marquées, des paysages variés et des microclimats ont donné naissance à des produits à l’identité forte : fromages, salaisons, poissons de lac, légumes, fruits des bois et champignons… le choix est pléthorique, « nous sommes des enfants gâtés », estime Laurent Petit.
La Terre et les hommes
Au fil des ans, ces chefs sont finalement devenus des enfants du pays, sublimant les richesses de la nature et nouant des relations fortes avec des producteurs locaux. « plus que des partenaires, ce sont de véritables amis », affirme Emmanuel Renaut. Installé depuis 22 ans à Megève, il se donne pour mission de « faire vivre le territoire » et bannit les produits trop lointains, comme le foie gras ou le turbot. Le chef peut compter sur son exceptionnel réseau de maraîchers, de chasseurs et de pêcheurs pour lui fournir les meilleurs produits. « Je les invite régulièrement au restaurant pour qu’ils voient et goûtent nos plats. J’emmène aussi mes équipes les rencontrer. Nous sommes une famille. »
Laurent Petit, lui, ne cuisine plus de viande depuis 4 ans. Il compose désormais avec les trésors du monde végétal qu’il fait pousser dans son jardin en permaculture, ou auprès de cultivateurs de confiance. Son travail autour du céleri et du radis lui a permis de décrocher une troisième étoile : « réduire le champ des possibles libère la créativité et amène à plus de clarté, plus de précision », aime-t-il à dire.
Le bonheur en cuisine
Plus que donner à manger, il faut donner du plaisir. Et les chefs le savent, la sensibilité de chaque membre de leur brigade se retrouve dans les plats. Faire face aux difficultés de recrutement, garder les meilleurs éléments et créer un espace de confiance sont indispensables à la réussite d’un restaurant gastronomique. « Notre richesse, c’est l’équipe », répète Laurent Petit. « Chez nous ça rigole ! oui ça rigole ! » Et de conclure : « c’est un travail d’équilibriste, car il faut un sérieux de dingue et un lâcher prise énorme.Mais, en salle, les clients n’attendent que ça ! »