Il a tiré sa révérence… Les obsèques de Stéphane Huget ont été célébrées ce vendredi 4 juin. Le fondateur du mythique Megève Blues Festival avait 51 ans, et s’était battu de longues années contre un terrible cancer. Malgré la maladie, il avait soulevé des montagnes pour organiser un des événements phares de l’été. Il voyait aussi plus grand, et imaginait un concert géant avec les idoles de la guitare et d’autres artistes sur l’esplanade du Palais ou à la Cote 2 000. Hélas, la vie ne lui a pas laissé le temps de concrétiser ce rêve. Pour lui rendre hommage, nous vous proposons de revivre le passage de Billy Gibbons, emblématique guitariste du groupe ZZ Top, en août 2019 sur la place de l’église. Un inoubliable souvenir pour le public. Merci Stéphane…
Un soir d’août 2019
Après 50 ans de carrière, des milliers de concerts, et 70 millions d’albums vendus, Billy Gibbons considère toujours que ZZ Top est ‘That Little Ol’ Band from Texas’. Autrement dit, un petit groupe originaire du Texas. C’est souvent dans la modestie que se forgent les plus grands mythes, et s’il débarque sur scène avec son improbable chapeau en feutre, ses lunettes noires et sa barbe de père Noël, la vedette garde bel et bien les pieds sur terre. Ce qui lui permet d’être à l’aise dans les plus grands stades comme sur des scènes à taille humaine. Le public est déjà chaud, après les performances de Doyle Bramhall II, Eric Gales ou encore de Joe Louis Walker. Et lorsque l’idole américaine envoie ses premiers riffs, la foule est prise dans la rythmique et saute sur les pavés. Le papy du blues a 70 ans, mais il enchaîne les tubes comme s’il les jouait pour la première fois : La Grange et évidemment Sharp Dressed Man !
Lost in translation
Déjà en tête des charts en 1983, la chanson n’a pas pris une ride. Le public chante à tue-tête : « every girl likes a glass of Chardonnay »… Décidément, les français sont toujours aussi nuls en anglais… En fait, le refrain est « every girl’s crazy ‘bout the sharp dressed man », mais qu’importe, cette interprétation des paroles reste plausible ; au bar VIP, les invités ne trinquent-ils pas au vin blanc et au champagne en se trémoussant aux sons des guitares ? Par ailleurs, dans une interview à Paris Match, le facétieux barbu racontait comment, avec ses deux acolytes, il tue l’ennui de jouer tous les soirs la même chose. « Nous avons un code secret qui s’appelle “Allons aux Bahamas”. Lorsque nous attaquons Sharp Dressed Man ou Gimme All Your Lovin’, il y a un moment où l’on se laisse partir en improvisation. » Donc, cette histoire de Chardonnay n’est peut-être pas une hallucination auditive ! Allez savoir… Trois titres plus tard, Billy Gibbons rejoint les loges. Merci, mais c’est déjà fini ? Quand reviens-tu ?
La ZZuite ?
Il est trop tôt pour dire si le Blues Festival aura une suite. Stéphane Huget avait sécurisé des fonds auprès de la municipalité et de quelques partenaires pour lancer un événement de plus grande ampleur. Il se confiait récemment à nous, persuadé que le Blues pouvait redynamiser l’été, et pas seulement à Megève.
« Personnellement, je crois au retour du Blues en France, sous une forme ou une autre. C’est déjà le cas aux Etats-Unis et on sait que ce qui se passe là-bas finit toujours par débarquer chez nous. Eric Clapton, par exemple, avec son Crossroads Guitar Festival, a permis l’essor de nombreux jeunes talents comme Gary Clark Jr, Derek Trucks, John Mayer – et j’en passe – qui sont prodigieux, mais peinent encore à trouver leur public Live chez nous ; est-ce parce que les organisateurs manquent de moyens ou qu’ils ne veulent tout simplement pas prendre de risques en les programmant – car ces artistes coûtent un peu d’argent… ? Il y a plein de raisons qui font qu’ils ne tournent pas assez chez nous. Mais alors pourquoi font-ils plusieurs dates en Allemagne, au Bénélux, en Suisse, au Royaume-Uni en Italie et pas une ici ? Un problème culturel, bassement commercial – vous pouvez contempler quotidiennement le vide intersidéral du contenu musical à la télé – je “kiffe” Tracks sur Arte, mais après… ? Il y a des types comme Michka Assayas le soir sur Inter, quelques radios locales, Blues Mag et Rock & Folk qui font le job,mais sont obligés trop souvent de parler des morts (des 3 « King » à Bowie en passant par Stevie Ray…). Alors il y a urgence ; urgence à faire venir les survivants de la génération dorée des 60’s-70’s en misant sur la passion d’individus qui, comme moi, sont animés par la Foi. Faire confiance à un programmateur qui a une réelle vision de sa programmation à terme : c’est peut-être ça la clé. Je veux croire que c’est en train de faire son chemin à Megève. Si c’est le cas on ne peut que s’en féliciter, au moins au nom des milliers des spectateurs que le festival a rassemblé depuis 6 ans. Et puis le Blues, c’est aussi du Gospel, de la Soul, du Rhythm and Blues, du Funk, de la musique malienne, du Classic Rock, etc. La palette est immense. On a donc de quoi s’amuser pendant un paquet d’années. Mais d’abord faisons venir nos maîtres et pour cela Megève a tous les atouts : la beauté, la coolitude, une clientèle sympa et qui sait se lâcher… »
Merci Stéphane, pour ces souvenirs intenses que tu nous as aidés à créer lors des différentes éditions du Blues Festival. Merci pour ton investissement à Megève et la passion que tu as su transmettre à un public d’abord sceptique. Ce n’est qu’un au revoir…
- Une partie de cet article a d’abord été publié dans Altus Megève 2020